« Il s’agira ici de se ramollir jusqu’à l’extrême, en se frénétisant, de ne jamais faire ce qui est attendu, mais de faire la seule chose possible avant qu’on ait pu voir qu’elle allait avoir lieu, il s’agit de se faucher toujours, de se planter si profondément qu’on prend immédiatement racine. Marcher dans le vide débordant des possibles, avec l’assurance de sa propre disparition.
La pièce en train de s’écrire, laisse la place, à celui qui la devient, de n’être rien d’autre. L’occasion de l’artistique sans aucune concession d’aucune sorte. Nous avons enfin l’excuse de ne pas devoir justifier quoi que ce soit. La chose est. La chose qui s’écrit est précisément elle-même. Nous pouvons ne plus exister de manière personnelle, nous pouvons être tout le monde en même temps.
Le vivier de l’écriture est sans limite. La force de ce moment, du moment du spectacle, rend le spectacle qui s’écrit dans l’instant de son lieu, plus fou que tout spectacle prémédité. Et pourtant, il est impossible
il est impossible tant qu’il n’a pas lieu. SI vous rêvez la veille à ce que vous allez faire, vous tremblerez, car tout ce que vous rêverez sera soustrait à ce que vous allez faire. Vous ne pouvez pas faire ce que vous vous attendiez à faire, sans perdre la pièce elle-même. Toute importation vous alourdie. Le temps d’aller chercher ce que vous vouliez faire, vous perdez le fil de ce qui a lieu.
Ici, il s’agira d’une sorte de travail d’adaptabilité. Nous préférerions jouer la pièce directement, avec vous, mais nous avons eu trop de mauvaise expériences, il semble que personne, ou presque personne, quand il y a un groupe, ne soit capable de l’aventure directement. Il faut comme se désattacher de tout un tas d’idées et d’assurances qui nous empêche de vraiment plonger. Comme si il fallait laisser nos bouées de côté pour s’enfoncer dans l’eau, mais on ne sait pas nager.
Il ne s’agira donc ici que de préparer. Car si on peut rien faire pour diminuer le risque que c’est que d’improviser, on peut toutefois diminuer le risque de voir ressurgir ses propres limites déjà figées: qu’on pourrait décrire comme l’écriture attendue, les choses toutes faites, les codes, les réflexes, qui risquent de nous replonger dans l’improvisation déjà écrite, qu’on reconnaît quand elle vient, et qui prend presque toute la place.
Transformer tout ce qui se passe en notre intention, tout l’extérieur devenant immédiatement notre histoire, ce qui arrive, n’importe quoi – qui puisse se dire, se faire, ou arriver- dit précisément notre passé, raconte la vie que l’on a, que l’on a eu mais ici notre vie n’est pas celle de quelqu’un, c’est une vie concrète et abstraite en même temps, précise et contradictoire, c’est une vie exacte, et c’est précisément celle de la pièce elle-même.
Car si dans l’improvisation, il n’y a pas d’interprète, il n’y a que des auteurs. Auteur sans autorité, auteur sans signature, auteur sans limite l’improvisation c’est sans doute la seule écriture totalement collective.
Et la pièce que vous préparez là, vous la préparez toujours, vous l’avez toujours préparée, et vous la préparerez toujours, c’est la même et elle est toujours différente. C’est la pièce qui va justement avoir lieu, qui vient d’avoir lieu, c’est celle qui ne fait que se jouer
Les amoureux de l’improvisation devraient peut être s’accorder enfin le droit de se perdre, entièrement, dans l’écriture.
Ici, tout ce que nous systématiseront, sera uniquement une manière de se faire travailler en profondeur
l’allergie à tout système. »
Camille Boitel
PETITE BIO
Homme couteau-suisse, maître de la bidouille, Camille Boitel bricole un cirque théâtral, chorégraphique et musical. Avec l’Homme de Hus dont l’humour était « désastreux et désastré », il décroche en 2002 le prix Jeune talent cirque. Artiste prolifique et toujours tenté par la prise de risque, il a déjà signé plus de 12 performances, et s’entoure d’une communauté grandissante d’artistes réunis sous le nom de l’Immédiat.
Extrait biographie : 104 Paris
10h – 17h – MJC Lillebonne – salle Danse
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